Il a pris le contrôle de services gouvernementaux et donne des ordres aux fonctionnaires sans aucune autorité légale ou constitutionnelle.
Malgré ce que vous avez pu entendre, Elon Musk n’occupe aucune fonction officielle au sein du gouvernement des États-Unis. Il n’a pas été élu pour exercer une quelconque fonction. Il n’a pas non plus été nommé, et encore moins confirmé, par le Congrès dans un rôle qui lui confère une autorité légale sur les politiques publiques ou les opérations fédérales. Pourtant, il s’est maintenant emparé de pouvoirs gouvernementaux essentiels, avec l’approbation apparente du président Donald Trump. Il a ordonné la fermeture de services gouvernementaux, réquisitionné des ressources fédérales et dicté des décisions politiques, le tout sans prêter le serment de respecter la Constitution que tout fonctionnaire, du président à l’employé des postes, est tenu de prêter.
Le « Department of Government Efficiency » (Département de l’efficacité gouvernementale) a été ostensiblement créé par un décret qui a rebaptisé l’U.S. Digital Service (Service numérique des États-Unis), une organisation consultative en matière de technologies de l’information au sein du Bureau exécutif du président. L’USDS, une unité technologique, a été créée par le président Obama à la suite de la débâcle de healthcare.gov, et a été financée par le Congrès dans le but de formuler des recommandations pour de meilleures pratiques informatiques dans l’ensemble du gouvernement. Conformément au décret de M. Trump, l’USDS a été rebaptisé « US DOGE Service » et conserve la même abréviation. De manière déroutante, le décret établit également au sein de l’USDS l’« Organisation temporaire du service DOGE des États-Unis », qui est ce que Musk a appelé le « Département de l’efficacité gouvernementale ».
Bien sûr, rien dans le décret de Trump ne prétend donner au DOGE une quelconque autorité opérationnelle sur les agences gouvernementales, ce qui nécessiterait une loi du Congrès.
Plus important encore, Musk n’a été nommé à aucun rôle officiel au sein du DOGE, quel qu’il soit. Pour autant que l’on puisse en juger, il n’est encore qu’un simple citoyen et n’a respecté aucune des lois applicables aux employés et fonctionnaires fédéraux, telles que les divulgations et les désinvestissements visant à éviter les conflits d’intérêts. Et comme il n’a pas été nommé à quoi que ce soit, il n’a pas non plus satisfait à l’exigence la plus fondamentale pour les fonctionnaires : prêter serment à la Constitution.
Même son titre supposé n’a pas été cohérent, puisqu’il a été décrit comme « chef », “président”, « co-président » (avant le départ de Vivek Ramaswamy) ou « dirigeant » de la DOGE.
Pour être clair, Musk n’a pas plus d’autorité légale pour commencer à aboyer des ordres aux agences gouvernementales que vous ou moi n’en aurions en tant que simples citoyens se promenant au hasard dans la rue.
Il ne fait partie de la chaîne de commandement de personne. Il n’a pas d’accès légal aux systèmes et aux ressources du gouvernement. Les fonctionnaires ne devraient pas reconnaître l’autorité qu’il prétend exercer sur eux. Si M. Trump veut invoquer l’autorité exécutive constitutionnelle, il peut le faire par les voies appropriées, mais M. Musk n’est pas le président des États-Unis et il n’a pas été habilité à transmettre légalement les ordres du président.
Le serment constitutionnel n’est pas une simple cérémonie technique. C’est la pierre angulaire de la légitimité juridique, la caractéristique qui définit qui est considéré comme « le gouvernement » dans ce pays. L’article VI, clause 3, de la Constitution stipule explicitement que « les sénateurs et représentants susmentionnés, les membres des législatures des différents États et tous les fonctionnaires exécutifs et judiciaires, tant des États-Unis que des différents États, seront tenus, par serment ou affirmation, de soutenir la présente Constitution ». Cette exigence garantit que les personnes investies de l’autorité publique sont légalement et moralement tenues de respecter le cadre constitutionnel.
Sans ce serment, il n’y a pas de pouvoirs légaux, pas de confiance publique et pas d’autorité constitutionnelle. Musk agit en dehors de ce cadre. Il n’a pas prêté serment de respecter la Constitution parce qu’il n’occupe aucun poste qui l’exigerait, et pourtant il a revendiqué et exercé des pouvoirs plus étendus que n’importe quel titulaire d’une charge publique, à l’exception du président lui-même. Contrairement au président, Musk ne peut être mis en accusation, car il n’occupe aucune fonction. Contrairement à un secrétaire de cabinet, ses pouvoirs ne sont pas définis par la loi. Contrairement à un fonctionnaire, il ne peut être soumis à des lois sur l’éthique ou la transparence. Il gouverne sans les contraintes qui définissent notre système de gouvernement, ce qui constitue une rupture étonnante de l’ordre constitutionnel.
L’étendue du contrôle informel exercé par Musk est stupéfiante. Ses entreprises – Tesla, SpaceX et X (anciennement Twitter) – sont depuis longtemps liées à des contrats et à des subventions publiques. Mais Musk est passé du statut d’entreprise bénéficiaire à celui d’autocrate non élu. Depuis l’investiture de M. Trump le 20 janvier, M. Musk a pris en charge des fonctions gouvernementales clés, notamment le contrôle direct du système de paiement du Trésor. Ce système, qui est la bouée de sauvetage financière du gouvernement fédéral, détermine les agences, les entrepreneurs et les programmes qui reçoivent un financement. Il s’agit en fait du chéquier du gouvernement fédéral. Musk affirme avoir gelé des paiements à des organisations qu’il désapprouve, annulé des allocations sur la base de griefs personnels et réorienté des fonds, le tout sans l’approbation du Congrès ni contrôle juridique.
On ne sait pas exactement à quel point certaines des affirmations de Musk sont réelles. Sur X, après que l’ancien général en disgrâce Mike Flynn a signalé que Lutheran Family Services était répréhensible, Musk a affirmé qu’ils seraient coupés. LFS est une collaboration entre l’Église évangélique luthérienne d’Amérique (ELCA) et l’Église luthérienne du Missouri Synode (LCMS), plus conservatrice. Elle passe des contrats pour un large éventail de soins de santé et de services sociaux, par exemple pour fournir des soins de santé comportementale aux enfants à risque. Il n’y a pas de raison évidente pour que cette organisation suscite l’ire ; la LCMS n’est pas vraiment l’idée que l’on se fait d’une dénomination « réveillée ». -woke –
NDLT .(Le terme « woke » provient du verbe anglais « wake » (réveiller), pour décrire un état « d’éveil » face à l’injustice. Il est initialement utilisé pour désigner des personnes conscientes des problèmes liés à la justice sociale et à l’égalité raciale).
Mais on ne sait pas non plus si Musk a fait quoi que ce soit d’autre que d’en parler sur X.
L’ingérence de Musk ne s’arrête pas au Trésor. Il aurait accédé à des informations classifiées et sensibles dans plusieurs agences fédérales, en contournant les protocoles d’habilitation de sécurité. Il a créé un nouveau système pour envoyer des courriels en masse aux employés fédéraux par l’intermédiaire de l’Office of Personnel Management, en contournant les chaînes de commandement normales, tout en verrouillant les personnes réellement responsables de ces systèmes. (L’un des résultats est que les 13 000 employés de la National Oceanic and Atmospheric Administration ont été bombardés de spams obscènes lorsque l’adresse électronique non sécurisée de l’ensemble du personnel a été divulguée). Dans ce contexte, il a proposé à tous les employés fédéraux un programme de « rachat » déroutant – une version remaniée de celui qu’il avait envoyé aux employés de Twitter qu’il cherchait à purger après avoir acquis la plateforme – offrant plusieurs mois de salaire en échange de la démission, bien que le Congrès n’ait autorisé aucun programme ou financement de ce type.
Au cours du week-end, M. Musk a ordonné la fermeture de l’USAID, la principale agence d’aide à l’étranger des États-Unis, demandant à ses employés de rester chez eux pour une durée indéterminée. Lors d’une confrontation au siège de l’USAID, les adjoints de M. Musk – dont beaucoup seraient très jeunes et non qualifiés, l’un d’entre eux étant même un véritable adolescent – ont menacé d’appeler les U.S. Marshals pour obtenir un accès sous la menace d’une arme. Lorsque le chef de la sécurité de l’USAID a refusé, il a été mis en congé, bien que l’autorité dont il relève soit encore une fois obscure. Il ne s’agit pas là des actions d’un simple citoyen offrant des conseils politiques ; il s’agit des décisions d’une personne exerçant un contrôle réel sur le gouvernement.
L’article II, section 3 de la Constitution stipule que le président « commissionne tous les fonctionnaires des États-Unis ». D’une manière ou d’une autre, Trump et Musk ont réussi à trouver une disposition constitutionnelle si fondamentale et si peu contestée que personne n’a jamais songé à l’enfreindre auparavant : agir en tant qu’agent du gouvernement (on pourrait même parler d’usurpation d’identité) sans disposer d’aucun document officiel à cet effet. Le fait de recevoir une commission du président est plus qu’un simple détail technique : il garantit que chaque fonctionnaire fédéral tire son autorité d’un processus constitutionnel. Le processus de commissionnement est la façon dont les fonctionnaires sont légalement habilités à agir au nom du gouvernement. Musk n’a reçu aucun mandat de ce type, et pourtant il se déchaîne, interférant avec les fonctions fédérales légales en toute impunité. Il contourne ainsi l’exigence constitutionnelle fondamentale selon laquelle tous les fonctionnaires tirent leur pouvoir d’une nomination légale et sont responsables devant le peuple, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants élus.
Un coup d’État sous un autre nom.
Ce que fait Musk présente toutes les caractéristiques d’un coup d’État, même au-delà de l’assaut plus large de Trump contre la Constitution. Un coup d’État se produit lorsqu’une personne ou un groupe de personnes prend le contrôle extra-légal de l’État. Les actions de Musk, bien que non conventionnelles, s’inscrivent dans ce cadre. Sans exercer de fonction ou d’autorité formelle, il a effectivement pris le contrôle de fonctions gouvernementales essentielles, écartant les processus constitutionnels au profit d’édits personnels.
Le contrôle des systèmes de paiement du Trésor n’est pas une simple ingérence administrative ; il s’agit d’une attaque directe contre le pouvoir le plus fondamental du Congrès : le pouvoir de la bourse. La Constitution le stipule clairement : « Aucune somme d’argent ne sera tirée du Trésor, si ce n’est en conséquence des crédits accordés par la loi ». En s’emparant du contrôle des paiements et de leurs destinataires, Musk a outrepassé la base fondamentale des organes législatifs représentatifs dans le monde anglophone depuis des temps immémoriaux.
Son accès à des informations classifiées sans habilitation de sécurité officielle compromet les protocoles de sécurité nationale conçus pour protéger les renseignements sensibles, et viole une série de lois sur la sécurité nationale et la confidentialité des informations, comme l’ont rapidement souligné les juristes. La fermeture arbitraire de l’USAID et la mise à l’écart de son personnel soulignent l’étendue du pouvoir incontrôlé de Musk sur les opérations gouvernementales, ce qui perturbe les efforts d’aide internationale et affaiblit la position diplomatique de l’Amérique à l’étranger.
L’aspect le plus alarmant de cette prise de pouvoir est qu’elle n’a même pas l’apparence de la légalité. Si le système constitutionnel fonctionnait comme prévu, cela ne pourrait pas se produire. L’ensemble du cadre américain repose sur la limitation de la concentration du pouvoir par le biais d’élections, d’un système d’équilibre des pouvoirs et d’un serment professionnel. Musk a contourné tous ces garde-fous, agissant comme un gouvernement à part entière. Il agit de la même manière que lorsqu’il a pris le contrôle de Twitter, en se lançant dans un chaos de purges et en émettant des ordres erratiques. Mais c’est lui qui est propriétaire de l’entreprise anciennement connue sous le nom de Twitter – il pouvait la détruire à sa guise. Il n’est pas propriétaire du gouvernement des États-Unis, et n’occupe même pas de poste au sein de celui-ci.
Il s’agit là d’un échec des institutions chargées de protéger l’ordre constitutionnel. Le Congrès, au lieu de s’opposer aux excès de Musk, est resté largement passif, certains de ses membres l’encourageant même avec enthousiasme. Les tribunaux ont à peine eu l’occasion d’intervenir dans ce qui semble être un mélange trouble d’influence privée et de pouvoir public, tellement inédit qu’il existe peu de précédents clairs à appliquer. Le public, dont la couverture médiatique et les politiciens ne parviennent pas à faire comprendre à quel point la situation est extraordinaire, n’a pas encore pleinement saisi le danger qu’il y a à permettre à une personne privée d’exercer un contrôle aussi étendu.
Permettre à Musk d’exercer le pouvoir gouvernemental sans prêter le serment constitutionnel va à l’encontre des fondements mêmes de notre république. La Constitution est conçue pour garantir que personne ne gouverne sans être lié par la loi suprême du pays. S’en passer est un renversement profond de tout le projet du libéralisme des Lumières : rejeter l’autorité arbitraire et soumettre le pouvoir à l’État de droit.
Le fait que Musk reçoive une nomination formelle et prête serment ne résoudrait pas, bien sûr, les nombreuses autres violations de la loi commises par le DOGE. D’une part, en exerçant une autorité directe sur les agences gouvernementales, Musk outrepasse les limites fixées par la Constitution pour les fonctionnaires du pouvoir exécutif qui doivent être confirmés par le Sénat. Il n’existe pas non plus de loi donnant à la coquille vide de l’U.S. Digital Service le pouvoir de supplanter les chaînes de commandement normales dans le reste du gouvernement, ce que le décret de M. Trump lui-même a reconnu. Mais ces questions sont sans importance si Musk ne fait pas vraiment partie du gouvernement.
Les États-Unis n’ont pas été conçus pour être gouvernés par un pouvoir anarchique et incontrôlé. Notre engagement le plus profond, incarné par la Constitution, est d’être gouvernés par des représentants élus, contraints par la loi, responsables devant le peuple et soumis à certains droits garantis. Ce système, malgré toutes ses imperfections, est en train d’être démantelé sous nos yeux. La question est de savoir si nous reconnaîtrons cette crise pour ce qu’elle est et si nous agirons pour l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard.
Traduction : Murielle STENTZEL
NDLT : Il s’agit bel et bien d’un coup, mais personne n’ose nommer les choses telles qu’elles sont, l’Amérique semble être atteinte de somnambulisme, ou sommes nous les témoins d’une corruption à tous les niveaux , inimaginable? Musk , avec ses milliards , aurait -il acheté tous les politiciens et organisations? On peut légitimement se poser la question, dans les USA de 2025.