Une internaute, Pascale Berrie, nous fait parvenir le texte ci-dessous, qui analyse et démonte point par point l’un des éléments de langage récurrent de l’extrême-droite : le “déclin” de la France via celui de son économie.
« Dimitri Pavlenko fait partie des animateurs de l’émission Face à l’info sur CNews, dirigée par Christine Kelly. Le jeudi 7 octobre 2021, il affirmait :
“On peut débattre de tout, sauf des chiffres ! Mesurée par le PIB (produit intérieur brut), la France est, en 1963, la deuxième puissance mondiale (derrière les États-Unis). Aujourd’hui, elle est septième. C’est-à-dire que la France a pratiquement perdu un rang par président. Beau bilan, n’est-ce pas ? En matière de PIB par habitant (l’indicateur le plus parlant, le plus pertinent en matière de comparaison des niveaux de vie respectifs), les Français se rangeaient au début des années 80 au troisième rang, s’apprêtant selon les courbes à dépasser les Allemands — toujours derrière les États-Unis. Aujourd’hui, ils sont, nous sommes, trentièmes !”
« Commentaire et mise en contexte :
- En 1963. Le PIB de la France était 3ᵉ du monde (pas 2ᵉ !), après les USA et l’Allemagne. C’était l’époque des Trente Glorieuses, en pleine période de reconstruction, et avant le choc pétrolier. Aujourd’hui elle est 5ᵉ (et pas 7ᵉ).
- En matière de PIB par habitant, voici les faits. Le produit intérieur brut par habitant, ou par tête, est un indicateur du niveau d’activité économique. C’est la valeur du PIB divisée par le nombre d’habitants d’un pays. Il est plus efficace que le PIB pour mesurer le développement d’un pays, cependant, il n’est qu’une moyenne, donc il ne permet pas de rendre compte des inégalités de revenu et de richesse au sein d’une population. En 1980, quel État voyait sa richesse évaluée par PIB par tête d’habitant ? Ils étaient rares. Ce lien indique clairement que peu de pays étaient inscrits dans les statistiques (chiffres de la Banque Mondiale). Les données manquaient ou étaient inférieures à zéro. Les chiffres de Dimitri Pavlenko sont bien fantaisistes.
- Troisième contre-vérité du journaliste soutien de Zemmour : il énonce que nous sommes 30ᵉ en matière, toujours, de PIB par tête. En réalité, nous sommes 11ᵉ une fois soustraits de cette liste les États qui trichent fiscalement ou les États détenteurs d’énergies fossiles. Ce sont Monaco, les paradis fiscaux dont l’Irlande, les puissances pétrolières (dont la Norvège), Macao avec son traité de libre échange avec la Chine et ses 13, 4 de taux de croissance annuel, Saint-Marin, petit paradis fiscal niché en Italie. Les États-Unis, avec maintenant 3 paradis fiscaux sur son sol, ne sont pas non plus comparables. Parmi les pays “normaux” qui ont peu ou prou le même système que nous, nous sommes 11ᵉ donc. Et nous ne parlons que de PIB nominal, pas de PIB brut (ces chiffres datent de 2020).
« Il est amusant que Dimitri Pavlenko n’ait pas jugé bon de donner les PIB globaux. L’UE est la deuxième puissance économique mondiale, la France la 5ᵉ, l’Allemagne la 4ᵉ. L’UE est devant la Chine en matière de PIB. L’UE enfin est la première puissance commerciale du monde. L’Union européenne compte pour plus de 20 % de la richesse produite mondialement. La somme de ses importations et de ses exportations représentait 3 646 milliards d’euros en 2020, en baisse de 10,5 % par rapport à 2019 (4 072 milliards d’euros) en raison de la crise du Covid-19. La balance commerciale de l’UE, excédentaire, était de 218 milliards d’euros. D’après le Parlement européen, le nombre d’emplois dépendant du commerce extérieur au sein des Vingt-Sept dépasse les 30 millions. »
Je n’ai qu’une chose à ajouter à l’excellente mise au point de Pascale : contrairement à ce que laisse entendre M. Pavlenko, l’économie française n’a pas rétréci pendant la période concernée. Elle a au contraire continué à croître ou au moins à rester stable malgré plusieurs crises mondiales (chocs de 1973, 1979, 2008, 2020). Alors pourquoi ce passage du 3ᵉ au 5ᵉ PIB, et 11ᵉ PIB par tête ? Tout simplement parce que d’autres pays on connu pendant ce temps une croissance plus rapide. Ainsi du Japon, puis de la Corée du Sud et de la Chine, dont on connaît le spectaculaire développement.
Inversement, le contrecoup économique du Brexit a été cause du recul du Royaume-Uni, 6ᵉ derrière la France cette année. Cela, ni CNews ni leur favori Zemmour n’iront beaucoup s’en vanter !
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