Eric Zemmour, une menace pour l’identité française, par Gaspard Koenig


Il faut écouter Gaspard Koenig.

Né en 1982, ce jeune philosophe, essayiste et romancier a connu rapidement une audience méritée. Sorti major de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, agrégé de philosophie et d’abord enseignant, il a grandi dans une famille très marquée à gauche pour s’affirmer en penseur libéral, et se faire connaitre à travers le think tank « Génération Libre ». Il a aussi créé un parti, « Simple », avec comme principal objet de promouvoir la simplification administrative et normative dans le débat présidentiel de 2022.

Bien représentatif d’une droite non « gangrénée » par le débat identitaire, si tristement illustré par l’émergence d’Eric Zemmour dans la campagne présidentielle, Gaspard Koenig a examiné, sérieusement et sur le fond le discours de ce dernier. Et il a écrit une tribune dans le journal « Libération » le 2 décembre, article réservé aux abonnés dont je présente ici de larges extraits (les intertitres sont personnels).

Il faut lire Zemmour

« Déplorer son émergence et l’affubler de noms d’oiseau ne fera que conforter sa position. (…). Si l’on a foi dans la raison et dans ses progrès, il faut prendre le temps de comprendre et de réfuter poliment les créationnistes, les négationnistes, les platistes. Et même Eric Zemmour. Avec un groupe d’amis engagés, nous avons donc passé plusieurs week-ends à lire l’œuvre zemmourienne et à en regarder les diverses déclinaisons audiovisuelles (…) »

L’islam, « incompatible » avec la France

« Le point central est de considérer l’islam comme «incompatible» avec la France. L’appartenance à l’oumma, la communauté des croyants, exclurait toute assimilation dans la communauté nationale ; celle-ci, à l’inverse, se verrait dépossédée, soumise, remplacée. C’est l’argument que John Locke déployait déjà au XVIIe siècle pour exempter de sa définition de la tolérance les catholiques, traîtres à leur pays puisque fidèles au pape. C’est aussi celui qu’Edouard Drumont mettait en avant dans « la France juive », best-seller de l’année 1886 (…). Rétrospectivement, ces cris d’orfraie paraissent risibles : nul ne conteste plus l’intégration des protestants, des catholiques ou des juifs (…) La meilleure manière d’empêcher les musulmans de se sentir pleinement citoyens, c’est de les essentialiser comme le fait M. Zemmour ».

Supprimer l’Etat de droit 

« (…) Il propose de «reprendre le pouvoir aux juges», de supprimer les dispositifs juridiques de lutte contre les discriminations, et d’en finir avec «la mainmise des cinq cours suprêmes» : Conseil d’Etat, Cour de cassation, Conseil constitutionnel, Cour européenne des droits de l’homme, Cour de justice de l’Union européenne. Autrement dit, la majorité, enfin affranchie de la «dictature des minorités», pourrait décider des règles de droit sans aucune restriction : c’est le «gouvernement du peuple» invoqué par M. Zemmour dans son discours  de candidature. (…) »

Utopie autarcique

(…) M. Zemmour rejette le multilatéralisme diplomatique comme la mondialisation économique. La France se retirerait de l’OTAN et de la CEDH. Elle renoncerait aux traités de libre-échange, hausserait les droits de douane et se fermerait bien sûr à l’immigration (en supprimant le regroupement familial et le droit d’asile). L’autosuffisance a toujours été un rêve enfantin, impossible, pour soi-même comme pour la société. Le monde n’a jamais eu autant besoin de coordination internationale. Comment peut-on imaginer résoudre dans notre hexagone la question de l’environnement, des pandémies, du traitement des données personnelles … ? »

Un faible qui ne croit qu’à la force

« Comme souvent les faibles, M. Zemmour ne croit qu’à la force. Il voudrait l’exercer sur les enfants, en imposant le retour de la blouse à l’école ; sur les femmes, qualifiées de «proies consentantes» ; sur les homosexuels, accusés d’entretenir un «lobby gay» ; sur les familles, qui n’auraient plus le libre choix du prénom de leurs enfants ; sur les migrants, des « voleurs, violeurs, assassins » à renvoyer d’urgence ; sur les citoyens, placés sous la coupe d’un Etat jacobin ; sur la nature, puisqu’il refuse de reconnaître la réalité du changement climatique et ne formule strictement aucune proposition sur l’écologie. »

Gaspard Koenig

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