« Il est clair que Trump est une marionnette de la Russie », déclare à Zarina Zabrisky une femme qui vit sur la ligne de front.
Zarina Zabrisky
À l’occasion du troisième anniversaire de l’invasion russe, un « safari humain » est organisé dans la ville de Kherson, dans le sud de l’Ukraine. Ce dernier crime de guerre russe – des pilotes de drones à distance utilisant des drones FPV pour chasser des civils – est légèrement moins intense en raison des conditions météorologiques hivernales. Le brouillard et le vent gênent les vols de drones FPV, mais n’apportent aucun soulagement. Les partisans ukrainiens sur la rive gauche du Dniepr occupée par les Russes repèrent les « nids » des opérateurs de drones russes, ce qui permet à l’artillerie ukrainienne et à la célèbre unité de drones ukrainienne de les éliminer.
Le moral des troupes russes est bas en raison des mauvaises conditions de vie – pas d’électricité, pas d’eau – et des assauts sur les îles du Dnipro, dits « à sens unique ». Des rapports indiquent que le Dnipro est jonché de corps de soldats russes. Les explosifs fonctionnent souvent mal en raison de la mauvaise qualité des grenades fabriquées à la main. Il reste moins de civils à Kherson, car les évacuations se multiplient. Pourtant, les risques restent élevés. Des débris de drones détruits tombent sur des civils. Les drones continuent de larguer des explosifs, des mines antipersonnel et des engins incendiaires, déclenchant des incendies dans toute la ville.
Pour compenser la légère diminution des frappes de drones, les Russes ont intensifié les attaques d’artillerie et de bombes guidées KAB. Alyona Malyarenko, artiste et écrivain local, raconte : « Le 19 février à minuit moins le quart, Kherson a tremblé sous l’effet des explosions. Nous dormions lorsque trois bombes aériennes russes sont tombées. C’était terrifiant. C’est pourquoi il est si difficile de parler avec les Russes. Ils tuent des civils et continuent de prétendre qu’ils ne frappent que des cibles militaires. »
L’une des bombes guidées KAB a frappé un immeuble de dix étages, détruisant 15 appartements et blessant six civils. Les sauveteurs ont sorti des débris des jumelles de 13 ans, toutes deux blessées et en état de choc. Leur mère et un voisin ont été retrouvés morts près de 24 heures plus tard.
Pour ajouter l’insulte à l’injure, on assiste à un changement radical de la stratégie américaine. Le Kremlin revendique la ville comme faisant partie de la région de Kherson annexée en septembre 2022, ainsi que d’autres territoires.
Certains Khersoniens ont attribué ce changement soudain à l’état mental du nouveau président. Anastasiya, 55 ans, épouse d’un partisan de Kherson détenu dans une prison russe, sur le point d’emmener son petit-fils à un cours d’échecs dans un abri antiatomique, a déclaré : « Je ne peux pas croire que Trump puisse être aussi fou. » Anatoly, un chauffeur de taxi d’une cinquantaine d’années, qui cache son taxi et s’apprête à rentrer chez lui à vélo par crainte d’attaques de drones, a déclaré : « Ce type est sénile et fou ».
La majorité des personnes interrogées sont convaincues que le changement de politique des États-Unis s’explique par des raisons bien plus néfastes. Olena, 39 ans, professeur d’anglais, enseigne en ligne car toutes les écoles sont fermées à Kherson, et déclare : « Il est clair que Trump est une marionnette russe. » Les avocats travaillant dans le bureau d’un pâté de maisons démoli par les bombes et l’artillerie s’accordent à dire que le comportement de Trump ne peut s’expliquer que par sa dépendance à l’égard de Poutine. Mila, 43 ans, monitrice de fitness qui a dû déménager son studio car les locaux ont été transformés en chambre de torture par les Russes pendant l’occupation, a déclaré : « Trump est une prostituée politique. Nous sommes dégoûtés ».
Angela, dont le mari a été tué par un drone russe au cours de l’été 2024, a déclaré : « Ce changement dramatique est insupportable. Nous sommes malmenés, de la manière la plus grossière qui soit, et forcés de donner [nos minéraux] de la manière la plus insultante qui soit. Mon mari a toujours espéré que le printemps apporterait la victoire, et j’ai continué à espérer que ce printemps serait le bon ».
Sasha, propriétaire d’un café dont le commerce a miraculeusement survécu lorsqu’une bombe aérienne a frappé son quartier, a déclaré : « Je ne suis pas une fan de Zelensky, mais nous l’avons élu. C’est notre président. C’est à nous de décider si, quand et comment nous le réélirons ».
Les soldats ukrainiens du front de Kherson ont déclaré que leur unité, qui résistait aux tentatives russes de s’emparer des îles de Dnipro, était indignée mais n’avait d’autre choix que de continuer à se battre.
Zarina Zabrisky
Zarina Zabrisky est une auteure américaine primée, auteur de cinq livres publiés à l’échelle internationale, dont le roman « We, Monsters » et trois recueils de nouvelles, et journaliste. Elle réalise actuellement des reportages sur la guerre russe en Ukraine.
Traduction : Murielle STENTZEL
NDLT : Notre 5ème colonne russe française, qui soutient Putin et dénie à l’Ukraine sa souveraineté, tout en s’auto proclamant souverainistes , me file chaque jour une nausée incoercible.
