Alex Jones ou les boyaux de la bête. Une endoscopie d’un agent toxique du national-populisme trumpien
Digérer le réel pour excréter la haine.
L’affaire du mouchoir, grotesque manipulation accusantle Président français de toxicomanie sur la base d’un geste banal, m’a mené jusqu’au cœur du système de désinformation qui transforme les détails du réel en armes idéologiques. Un nom s’est alors imposé, avec la persistance d’un relent fétide : Alex Jones.
Dans l’organigramme invisible de la machine trumpienne, il n’est pas un figurant : il est l’intestin grêle de la bête, le lieu où la réalité est méthodiquement décomposée, fermentée, transformée en toxines mentales. Le public européen le méconnaît, à tort. Car Jones n’est pas une anomalie : il est le prototype d’une nouvelle ère de la désinformation mondialisée.
Une réingénierie mentale made in Texas.
Jones naît en 1974. Dès les années 1990, il fonde Infowars, érigeant le soupçon en dogme. Rien n’échappe à sa grille paranoïaque : tremblements de terre, vaccins, attentats, élites pédosatanistes. Mais sous l’hystérie, une méthode : inversion des légitimités, effacement du vrai, sanctification de l’absurde. Il ne veut pas seulement qu’on doute — il veut qu’on ne sache plus d’où vient le doute.
En 2015, Donald Trump l’adoube publiquement. « Votre réputation est incroyable », déclare-t-il sur Infowars. C’est une légitimation. Jones devient alors l’écho souterrain du trumpisme : là où Fox News reste polie, lui vocifère. Là où les stratèges hésitent, lui déverse.
L’algorithme du chaos cognitif.
Jones incarne, en version yankee, la stratégie de propagande décrite par la RAND Corporation : Firehose of Falsehood. Il bombarde le cerveau public :
• d’un déluge de récits contradictoires,
• diffusés à grande vitesse,
• sans cohérence ni véracité,
• ponctués du faux-semblant : « Je pose simplement la question ».
C’est l’abolition du débat. L’implosion du sens. Le remplacement du raisonnement par la rumeur.
Tsargrad, Canada, OTAN : les relais de la bête.
Jones recycle massivement les récits russes. Russia Today, Tsargrad TV, Sputnik : il les diffuse sans filtre, flattant Vladimir Poutine qu’il dépeint comme « un homme de vérité dans un monde de menteurs ».
Au Canada, il s’approprie le Freedom Convoy, transforme une contestation vaccinale en insurrection contre la démocratie. Trudeau devient « dictateur en peau de soie ». Poilievre, critique du Forum de Davos, devient son « frère idéologique ».
Quant à l’Europe, elle est réduite à une caricature : « entité pédobureaucratique », « soupe transhumaniste ». L’ONU, elle, serait un laboratoire mondial de puçage. L’OTAN ? Un groupe terroriste déguisé en humanitaire.
Mais ces délires servent un dessein : fracturer les appartenances, dissoudre la raison, préparer le terrain à une reconstitution paranoïaque du lien social.
Du cerveau au colon idéologique.
On dit que l’intestin est le deuxième cerveau. Chez Alex Jones, c’est l’inverse : le cerveau se comporte comme un second intestin, digérant des idées putrides pour mieux les recracher sous forme de digesta mental.
Alex Jones n’est pas un provocateur. Il est un système.
Un système d’empoisonnement idéologique.
Un débouché intestinal de la propagande.
Là où le mensonge devient digestible. Où l’absurde devient partageable.
Anatomie d’un saboteur global.
Ce qu’Alex Jones détruit, ce ne sont pas que des faits. Ce sont des existences. Des cultures. Des démocraties. Il sabote les conditions mêmes d’une réalité commune.
Sandy Hook : le moment d’infamie.
14 décembre 2012 : 20 enfants et 6 adultes sont assassinés à l’école de Sandy Hook. Le monde est en deuil. Pas Jones.
À peine quelques jours après la tuerie, il suggère que c’est un canular. Un montage pour désarmer les citoyens. Il accuse les familles d’être des « acteurs de crise ». Il nie l’existence des victimes. Et ses auditeurs, galvanisés, harcèlent les parents. Profanent les tombes. Obligent des familles à fuir.
Verdict : 1,5 milliard de dollars d’indemnités. Une mère dira : « Le jour où j’ai enterré mon enfant, on m’a dit qu’il allait rentrer à la maison. »
Mais Jones s’en moque. Pour lui, la « vérité », c’est ce qui blesse utilement. Il continue.
La douleur comme carburant.
Plus le mensonge est énorme, plus l’émotion est forte, plus l’adhésion est totale. Son modèle n’est pas le journalisme, c’est le sermon évangélique sous stéroïdes complotistes.
En 2021, il annonce une extermination planétaire planifiée par les élites. Pas de preuve. Mais un effet de sidération. Un désespoir emballé dans un cri de guerre.
Afrique du Sud, fantasme racial et arme rhétorique.
Autre obsession : le “génocide blanc” des fermiers sud-africains. Il accuse l’ANC de préparer une purge raciale. Il relaye les Suidlanders, groupe survivaliste afrikaner. Pourtant :
• L’ONU réfute ce récit.
• Les chiffres d’homicides sont multiraciaux.
• Le gouvernement n’a jamais prôné une telle politique.
Mais Jones s’en fiche : l’Afrique du Sud devient un écran. Elle permet de valider un imaginaire racialiste : l’homme blanc assiégé, légitime à frapper préventivement.
Le cousinage idéologique : Douguine, Malofeev, Russie.
Le message de Jones fait écho aux thèses d’Alexandre Douguine, philosophe du chaos sacré : « L’Occident doit être détruit. »
Douguine ne le cite pas, mais Jones parle comme lui. Il hait les droits de l’homme, rit de la démocratie, rêve de purification idéologique.
Invité sur Tsargrad TV, financée par Konstantin Malofeev, mécène de Douguine, Jones reçoit les honneurs du Kremlin. Pas comme relais d’État. Comme agent d’ambiance. Ingénieur du désalignement cognitif.
Le théâtre des vies brisées.
Ce ne sont pas que des mots. Il y a des victimes :
• Les camionneurs canadiens transformés en pions d’une insurrection symbolique.
• Les réfugiés, les journalistes, les Européens, traités en pantins du chaos.
• Et l’Ukraine, présentée comme l’agresseur masqué, alors que la Russie rase ses villes.
Jones répète, en boucle, les éléments de langage du Kremlin :
« L’OTAN a provoqué. »
« Zelensky est un comédien. »
« Tout cela est un jeu. »
Ce n’est pas une analyse. C’est une permission donnée à la barbarie.
Trump, Poutine, et l’extrême droite digestive.
Trump ne s’y est pas trompé. Il s’est appuyé sur Jones pour faire le sale boulot : salir, inverser, disloquer. Pendant qu’il embrassait Poutine, insultait l’Europe et torpillait l’OTAN, Jones labourait les esprits.
La guerre des tanks a besoin de soldats du verbe.
Jones est l’un d’eux.
Un colon intestinal du national-populisme.
Un saboteur global.
Tant qu’il existera des micros pour le mensonge, il faudra des phrases pour le démonter.
Face aux boyaux de l’extrême droite, le langage doit devenir structure. Résistance. Ligne de crête. Clarté. Déconstruction des manipulations et contre-vérités. Lutte impitoyable contre le brutalisme et les idées protofaschistes.
Rudy Demotte
Ancien ministre-président de la Communauté française de Belgique
NOTA BENE : A noter que toutes ses élucubrations sont reprises par l’extrême droite INTERNATIONALE, et notre 5ème colonne russe Française, dont le RN , Reconquête , les Asselineau, les Lalanne, etc etc. Cela fait donc une longue colonne de décérébrés toxiques pour les démocraties .
Murielle STENTZEL.