Le Royaume-Uni est devenu l’un des plus grands exportateurs au monde, mais il n’y a pas que des bonnes nouvelles. Explications.

L’accession du Royaume-Uni au rang de quatrième exportateur mondial a suscité une vague de célébrations parmi les décideurs politiques, les politiciens et les analystes commerciaux du pays. Selon de nouvelles données, le Royaume-Uni a dépassé des économies majeures telles que la France, les Pays-Bas et le Japon, et se situe derrière la Chine, les États-Unis et l’Allemagne en 2022, avec 1,02 trillion de dollars américains (808 milliards de livres sterling) d’exportations.

À première vue, il s’agit d’un coup d’éclat, qui témoigne de la résilience économique du Royaume-Uni. Mais avant de sabrer le champagne, il convient de se demander ce que ces chiffres signifient réellement et s’ils reflètent la réalité.

L’examen des seuls chiffres d’exportation peut être trompeur lorsqu’il s’agit d’évaluer la véritable compétitivité économique d’un pays. En effet, les exportations totales représentent la valeur des produits, y compris les coûts de tout ce qui entre dans leur fabrication. Or, une partie de ces éléments – les pièces et la main-d’œuvre appelées « intrants intermédiaires » – sera importée.

Pensez à la valeur d’une voiture Mini fabriquée au Royaume-Uni et exportée à l’étranger. Comme elle est assemblée dans le pays, la voiture finie est considérée comme une exportation britannique. Toutefois, une bonne partie de sa valeur totale (plus de 60 % dans certains cas) est ajoutée plus tôt dans la chaîne d’approvisionnement par des entreprises d’autres pays. Le Royaume-Uni importe ensuite la valeur des pièces et de la main-d’œuvre pour achever la production de la voiture.

Le classement des exportations du Royaume-Uni ne reflète donc peut-être pas fidèlement ses forces économiques et sa capacité de production. Le chiffre de 1,02 trillion de dollars US peut cacher une grande partie de la valeur créée loin des côtes britanniques.

La valeur nette de la production nationale du Royaume-Uni, exprimée en pourcentage du PIB (après addition de toutes les productions et soustraction des intrants intermédiaires), le confirme. Cette valeur est en baisse constante depuis les années 1990, atteignant une valeur de 16,7 % en 2022. En outre, la valeur des intrants intermédiaires importés (ce que le Royaume-Uni achète pour fabriquer ses produits finis) a augmenté en 2022 de 4,8 % et de 11,9 % en provenance de pays de l’UE et de pays non membres de l’UE respectivement. Ces deux chiffres indiquent que le Royaume-Uni dépend de plus en plus des produits importés.

Pourquoi y a-t-il donc un problème ? Puisque les exportations augmentent, même si le montant de la valeur ajoutée par le Royaume-Uni est réduit, les exportations totales ajoutent toujours de la valeur à l’économie, n’est-ce pas ? Là encore, ce n’est pas simple.

En 2022, les exportations britanniques ont connu une hausse impressionnante, mais les données montrent également une augmentation encore plus rapide des importations au Royaume-Uni. Il en résulte un déficit commercial (lorsqu’un pays importe plus qu’il n’exporte) de près de 66,8 milliards de livres sterling, le plus élevé depuis 1989.

Cette situation s’explique notamment par le cycle agressif d’augmentation des taux d’intérêt mis en place par la Banque d’Angleterre (BoE) pour lutter contre l’inflation.

Le relèvement des taux d’intérêt britanniques attire les investissements étrangers, ce qui accroît la demande de livres sterling, dont la valeur augmente. Une livre plus forte rend les importations moins chères mais les exportations plus chères, ce qui peut conduire le Royaume-Uni à importer plus qu’il n’exporte.

Mais à partir du début des années 2000, les importations ont constamment dépassé les exportations. Cette situation ne peut s’expliquer uniquement par les décisions de la BoE en matière de taux d’intérêt. Et même si un déficit commercial n’est pas nécessairement le signe d’une économie en mauvaise santé, un déficit prolongé peut susciter des inquiétudes quant à l’idée que le Royaume-Uni se fait de la croissance économique tirée par les exportations.

La théorie économique suggère que des déficits commerciaux persistants, en particulier lorsque les importations remplacent la production nationale, peuvent mettre en évidence les faiblesses de certaines industries en raison d’une faible productivité, d’un manque de compétitivité internationale, ou des deux à la fois.

Ils peuvent également indiquer une dépendance excessive à l’égard de certaines importations, ce qui peut effectivement rendre l’économie complaisante et limiter les efforts en faveur de l’innovation et de l’efficacité. C’est d’ailleurs ce que révèlent les données sur la productivité du Royaume-Uni, qui n’a pas été à la hauteur d’économies comparables comme la France ou l’Allemagne, le taux de croissance annuel moyen de la productivité au Royaume-Uni n’étant que de 0,5 %.

Il est intéressant de noter que, même si la forte baisse des importations et des exportations en 2020 peut s’expliquer par la pandémie de grippe aviaire et le Brexit en janvier de la même année, l’annonce du Brexit lui-même n’a pas semblé nuire au commerce international du Royaume-Uni.

Au contraire, les importations et les exportations du Royaume-Uni ont augmenté entre 2016 et 2020. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les entreprises ont constitué des stocks en prévision d’un nouvel accord post-Brexit dont elles craignaient qu’il n’entraîne une augmentation des coûts.
Regarder vers l’avenir

Le Premier ministre Rishi Sunak a beau se réjouir que le Royaume-Uni soit devenu le quatrième exportateur mondial, l’avenir reste incertain.

La sortie du marché unique de l’UE a introduit de nouvelles frictions commerciales, même si l’accord commercial de 2021 (l’accord de commerce et de coopération) a permis de fluidifier les échanges entre le Royaume-Uni et l’UE et d’augmenter les importations et les exportations en 2022.

Pour contrebalancer ces frictions, la conclusion d’un plus grand nombre d’accords commerciaux bilatéraux pourrait accroître les exportations britanniques vers des marchés étrangers à la croissance plus rapide. Mais cela dépend des conditions négociées et de leur capacité à supprimer les droits de douane et à réduire les autres obstacles au commerce.

En outre, la capacité du Royaume-Uni à maintenir son élan dépend de l’augmentation de la productivité nationale, de l’innovation, des compétences de la main-d’œuvre et de la croissance dans les secteurs technologiques émergents. Cela lui permettra d’améliorer sa compétitivité.

À l’avenir, le classement mondial des exportations du Royaume-Uni n’aura plus de sens sans excédents commerciaux durables. Les politiques à long terme qui ajoutent de la valeur à l’économie britannique et augmentent la gamme de biens et de services exportés par le pays détermineront si les chiffres de 2022 constituent une anomalie ou si le Royaume-Uni redevient une puissance mondiale.

https://theconversation.com/the-uk-has-surged-to-become-one-of-the-biggest-exporters-in-the-world-but-this-isnt-all-good-news-230241

 

Traduction et commentaires : Murielle STENTZEL.

Sachant que les Frexiters vont bondir sur cet article pour n’en retenir que le titre pour coller à leur propagande anti EU et dire que le Brexit est une réussite , il était important que je traduise cet article pour montrer que , dans toute donnée , il faut tout analyser et qu’une situation n’est jamais aussi simpliste qu’il n’y paraît , cet article le démontre bien. En parallèle , les nouveaux contrôles pour l’importation de produits post Brexit, mis en oeuvre fin Avril 2024, vont coûter des millions au Royaume Uni et impacter durement les consommateurs. Donc, tout n’est pas rose du tout au Royaume Uni post Brexit, même si le gvt Tory, jouant pour sa survie en amont des élections de fin d’année, fait une propagande sur la “réussite” du Brexit. Quelle réussite?

Brexit : Les nouveaux contrôles frontaliers post-Brexit coûteront 330 millions de livres sterling par an aux entreprises.