Extrait d’un très long article de « L’Obs », réunissant 22 réponses à donner à 22 mensonges d’Eric Zemmour (suite).
Le polémiste est désormais « la » figure de l’atmosphère trumpienne de la présidentielle. Cela fait longtemps déjà qu’il a adopté le concept des « faits alternatifs » inventé par l’entourage de l’ancien président américain. (…)
- « Je le répète. C’est [le Covid, NDLR] une maladie grave. Mais en comparaison à d’autres épidémies, c’est une épidémie qui tue peu. » « Face à l’info », CNews, 13 juillet 2021.
A ce jour, le Covid-19 a tué 4,65 millions de personnes dans le monde depuis fin décembre 2019. Mais, selon un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en mai, la surmortalité serait deux à trois fois supérieure aux chiffres fournis par les Etats, et serait donc comprise entre 9 et 13 millions. Dans certains pays, toujours selon l’OMS, l’espérance de vie pourrait perdre deux à trois ans.
La plupart des pandémies des XXe et XXIe siècles ont été moins meurtrières. La grippe asiatique a tué entre 1 et 4 millions de personnes en 1957-1958, la grippe de Hong Kong, 1 million en 1968, le virus Ebola, qui sévit depuis le milieu des années 1970 en Afrique, est responsable, lui, de 15 000 décès cumulés. Seul le virus du sida a un bilan plus considérable de 36 millions de morts. Ainsi que la grippe espagnole en 1918 : entre 50 et 100 millions de morts.
- « Je considère que l’Italie du Nord aurait dû être française. Il n’y a pas de différence entre Milan et Nice. Tout ça, c’est le même peuple, la même ville, la même architecture, le même état d’esprit. » « Face à l’info », CNews, 5 juillet 2021.
Nice, dans le sud-est de la France, et Milan, dans le nord de l’Italie, sont séparés par plus de 300 kilomètres et divergent aussi bien sur le plan architectural que sur le plan historique. La capitale lombarde est en fait beaucoup plus proche de la frontière suisse que de l’Hexagone.
La dernière présence française à Milan remonte à plus de deux cents ans, à l’époque de Napoléon Ier. Le général corse s’autoproclame roi d’Italie en 1805, mais son règne transalpin est éphémère : en 1815, le Congrès de Vienne rétablit la domination autrichienne sur la ville.
Nice est historiquement reliée à la maison de Savoie, ennemie de la France royale puis impériale. Son rattachement à la France fera l’objet d’un affrontement acharné entre pro-Italiens, emmenés par Giuseppe Garibaldi, et pro-Français, favorables à Napoléon III. La ville est définitivement annexée à l’Hexagone qu’en 1860 et reste longtemps une terre d’immigration italienne. En 1911, 20 % de la population des Alpes-Maritimes, dont Nice est la préfecture, vient d’Italie.
Les singularismes historiques des deux villes se traduisent dans leurs patrimoines architecturaux. L’emblème de Milan, la cathédrale du Duomo, est construit en six siècles à partir de 1386, dans un style gothique – un genre totalement absent du centre historique niçois. Dans la ville, marquée par le passage de la dynastie Habsbourg, de nombreuses façades font ressortir l’esprit baroque.
De sa « période savoyarde », Nice conserve quelques palais et hôtels particuliers baroques mais se démarque grandement par l’apport de la Belle Epoque au tournant des XIXe et XXe siècles (quartier des Musiciens, hôtels Regina et Boscolo…).
- « Le mouvement fasciste, il naît à gauche, il naît en Italie. Mussolini est un socialiste. […] Le nom du parti nazi, qu’est-ce que c’est ? C’est national-socialiste ! Socialiste ! Ce sont des gens de gauche ! » « Face à l’info », CNews, 22 juin 2021.
En Italie, Mussolini – parvenu au pouvoir en 1922 et à la tête d’une dictature fasciste jusqu’en 1943 (puis de la république de Salo, Etat fantoche tenu par les nazis, de 1943 à 1945) – milite effectivement au Parti socialiste italien (PSI) dans sa jeunesse. Mais la Première Guerre mondiale marque une rupture avec ses camarades socialistes pacifistes, et il est exclu du PSI à 31 ans. Fervent nationaliste, il soutient l’entrée de son pays dans le conflit et se rapproche des milieux d’affaires favorables à l’intervention. Dans une Italie d’après-guerre meurtrie et en proie à de virulentes grèves, Mussolini met au service des propriétaires fonciers ses Faisceaux de combat (fasci di combattimento), créés en 1919, qui, armés de gourdins et motorisées, mettent à sac les organisations de gauche dans la vallée du Pô et brutalisent voire assassinent leurs membres. Ses troupes seront également responsables de l’assassinat du député socialiste Giacomo Matteotti en juin 1924. Mussolini se rapprochera du régime nazi dès 1935.
En Allemagne, lorsqu’Hitler entre dans le Parti ouvrier allemand (DAP) en 1919, il est déjà ultranationaliste et profondément antisémite. Cette structure politique appartient aux mouvements « völkisch », d’orientation pangermaniste et antimarxiste. Le futur führer, redoutable manipulateur, prend les rênes du DAP qu’il transforme en NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands) en 1920. Le terme « socialiste » n’est destiné qu’à grappiller le soutien des prolétaires agités par la révolution bolchevique de 1917 en Russie, mais l’ouvriérisme ne reste qu’au stade du discours. Les combats de gauche ne sont absolument pas repris par le NSDAP. Dans le « programme en 25 points » du parti, en février 1920, les objectifs à long terme concernent essentiellement la protection de la « race germanique ». L’immigration doit être immédiatement stoppée et la dialectique antijuive était déjà omniprésente. Au point 4, on lit par exemple qu’« aucun Juif ne peut être citoyen » allemand. « La seule réalité qui soit, c’est la nation, une nation définie en des termes biologiques qui exclut tout ce que la gauche représente : l’universalisme et l’humanisme », détaille l’historien spécialiste du nazisme Johann Chapoutot à l’AFP.