Pas de débat, pas de mandat ?


C’est une petite musique qui monte depuis quelques semaines, et qui enfle à mesure que l’échéance du 10 avril approche. Il y a, on le sait, douze postulants à l’élection présidentielle dont la candidature a été retenue par le Conseil Constitutionnel. Celui vers qui tous les regards se tournent est bien sûr le président sortant, favori du premier tour d’après tous les sondages des derniers mois et qui l’est encore plus depuis que la guerre est à nos portes. Ce Président a un bilan, et on lui reproche de ne pas le présenter ainsi que son projet face aux autres candidats. Le faisant, disent les oppositions aussi bien de Droite que de Gauche il fausserait l’élection et n’aurait donc pas de légitimité ensuite.

La déclaration qui a suscité le plus de réaction a été celle du Président du Sénat, Gérard Larcher dans une interview au « Figaro ». Extrait de l’article du journal « Le Monde » qui en a rendu compte :

« S’il reconnaît que, face à la guerre en Ukraine « il ne peut pas y avoir d’autre réaction que l’unité nationale et européenne », ce soutien de Valérie Pécresse met tout de même en garde sur le fait que « le rendez-vous démocratique [de l’élection présidentielle] ne peut pas être occulté ». « S’il n’y a pas de campagne, la question de la légitimité du gagnant se posera », poursuit-il.

A Gauche, et en ordre dispersé le même reproche a été fait, mais le plus marquant a été une tribune signée par une quarantaine d’intellectuels et d’artistes et titrée « Pas de débat, pas de mandat ». Sophia Aram dont on connait le talent, l’a moquée dans une chronique particulièrement acide, que l’on peut écouter sur le site de France Inter, et qui commence ainsi :

« Une tribune écrite avec la sueur de ceux qui souffrent, le sang de ceux qui meurent, la salive de ceux qui ont faim ou les carries des ceux qui n’ont plus de dents… et dont la formule choc portée par Adèle Haenel, Annie Ernaux et autres Ariane Ascaride, claque comme un string sur les marches du Palais des festivals : « Pas de débat, pas de mandat ».  Un slogan en forme de publicité pour un yaourt, inspiré du fameux « pas de bras, pas de chocolat (…) »

Comment donc répondre, le plus objectivement possible à cette interpellation des oppositions ? Je peux le faire d’autant plus tranquillement que je n’ai affiché aucun préférence pour le premier tour de l’élection, ni sur ce site, ni dans les réseaux sociaux. Mon engagement contre tous les candidats extrémistes, de Droite comme de Gauche, a toujours été constant. J’aurais souhaité qu’un ou une candidat(e) non extrémiste soit présent face à Emmanuel Macron pour le deuxième tour, mais cela ne sera probablement pas le cas. Disons aussi pour clore cette parenthèse que notre site n’a pas pour objet de servir de vitrine au président sortant, même si – et cela les honore -, certains des autres membres de notre comité de rédaction ont affiché clairement leurs préférences.

Ceci posé, ne posons donc que des considérations pratiques et incontestables :

  • Jamais un Président sortant n’a débattu avec l’ensemble de ses compétiteurs lors des précédentes élections présidentielles.
  • Leurs bilans, comme celui d’Emmanuel Macron, correspondaient à une réalité vécue par tous les Français. Autant la discussion peut éclairer sur des projets théoriques, autant elle me semble moins indispensable pour un bilan.
  • Si donc l’important est plus le projet que le bilan – qui doit naturellement et démocratiquement être critiqué par les oppositions – au lieu d’avoir une cacophonie à douze sur un plateau de télévision, il faut avoir une confrontation télévisée entre les deux finalistes : et elle aura lieu entre les deux tours.
  • Concernant le projet, enfin, Emmanuel Macron l’a présenté dans une conférence de presse qui a duré plusieurs heures. On peut l’entendre présenter son programme dans la vidéo en lien.

Mais revenons au contexte précis de cette élection. Si Emmanuel Macron avait accepté un débat avec l’ensemble des candidats en même temps, cela aurait été dans tous les cas une cacophonie ; s’il avait dû mener des débats en face à face avec chacun d’entre eux, on doit bien admettre que vu le contexte international plus qu’anxiogène avec la guerre presqu’à nos portes, il ne pouvait absolument pas trouver le temps de le faire : nous vivons une période extrêmement critique, et la priorité du Président est d’assurer ses responsabilités à l’International, en coordination avec nos alliés.

Reste, et c’est là que les critiques des oppositions peuvent s’entendre : s’il ne peut aller avant le 10 avril à la rencontre de chacun des autres candidats, il serait juste qu’il délègue des ministres pour débattre sur les projets et les bilans avec les autres postulants ou leurs représentants. Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, doit le faire prochainement avec Jordan Bardella président par intérim du Rassemblement National ; il serait donc juste que les mêmes genres de face à face soient acceptés avec les autres oppositions.