Terra Incognita

On ne me fera pas croire que les bons chiffres du chômage ou ceux du pouvoir d’achat, comparativement à d’autres mandats présidentiels, sont uniquement dûs à des masquages ou des comptages particuliers. En un mot qu’ils seraient truqués dans le dessein de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, à la veille du scrutin. Qu’ils ne seraient réduits qu’à de simples et belles courbes de croissance destinées à bluffer l’électorat populaire.

Je ne suis pas dupe pour autant et sais fort bien que l’on obtient ces résultats qu’en sacrifiant une certaine qualité de vie dans le milieu du travail ; le confort des trente glorieuses. Qu’en opérant aussi cette rupture, qui nous pendait au nez, avec l’État providence. A l’instar des États-Unis, qui ont hérité de Trump, de l’Allemagne, où ne règne le plein emploi que grâce à la multiplication de jobs en temps partiels, ou de l’Angleterre, jamais aussi libérale qu’on ne veuille l’admettre. Quant aux seconds chiffres, ceux du pouvoir d’achat, on ne peut s’enorgueillir que de nouvelles catégories socio-professionnelles aient profité de ses cinq dernières années, qu’en acceptant d’essuyer les colères froides ou déclarées, de pans entiers de la population.

Ces variations, auxquelles on pourrait uniquement s’attacher, sont bien entendu résultantes du capitalisme et de la mondialisation. Mais on ne peut pas refaire ce monde, peut-être même pas l’améliorer. Partout les peuples en ont assez. C’est l’expression d’une autre crise mondiale que sanitaire, alimentaire, nucléaire ou économique. Elle est la reine mère des crises, la matrice d’où sont issues les autres. Quel que soit le régime qui orientent, guident ou brident ces peuples, un mécontentement général les conduit, s’il n’est pas canalisé, à de violents soulèvements. Seul compte alors la capacité du chef de l’État à réguler cette situation. Quant bien même il ne s’apparenterait qu’à un comprimé pharmaceutique administré à un maniaco-dépressif. Ou même à un placebo, comme c’est le cas dans certains pays nordiques, adeptes de méthodes continuellement douces, mais qui ne dissimulent pas pour autant que le but de leur absorption est d’apaiser un climat qui s’agite dangereusement.

Nous sommes rendus à l’ère du “ça passe ou ça casse”. Ça pourrait bien casser, rompre, exploser et nous péter à la gueule si on n’y prenait pas garde. Là alors ceux de nos dirigeants qui revêtent une importance considérable, sont les garde-fous, les parapets contre la chute dans le vide sidéral ou un cul-de-basse-fosse, les calmes et les modérés. J’avoue ne pas supporter d’observer Emmanuel Macron, de l’écouter parler pendant des heures, même pas 15 minutes, de le voir peu à peu s’installer dans une attitude et une gestuelle convenues, dont par exemple Chirac a fait son gagne-pain et avec lequel il croyait enfumer tous ses concitoyens. Je n’aime pas plus que quiconque un peu éclairé politiquement, devoir compter, pour maintenir le pays hors du désastre, sur un jeune loup de la finance que l’on soupçonne de faire intelligence avec l’ennemi, comme disent les extrémistes de droite ou de gauche. Ce dont je suis toutefois convaincu, c’est qu’il est sain d’esprit, exempt que sa conduite puisse être foncièrement jugée et par les temps qui courent, cela me suffit pour désigner celui que je souhaite voir entrer ou rester à l’Élysée, c’est-à-dire aux commandes.

Je pourrais me mettre à lister les bienfaits dont moi ou quelqu’un de mon entourage a bénéficié pendant ce quinquennat, mais je ne le ferai pas car je serais systématiquement repris et au pire de cette controverse, on me rétorquerait que ce ne sont là que des mesurettes qui constituent un arbre dont on voudrait machiavéliquement qu’il cacha la forêt sombre, dense et hantée du libéralisme. Des miettes de pain lancés du balcon royal pour rassasier une foule affamée. Pourtant personne dans ce pays ne peut nier que certaines décisions prises par le président sortant sont de nature plus socialistes qu’au cours-même du mandat de François Hollande ou Mitterrand. Ce sont les orientations d’un homme de cœur et amoureux de son peuple. Je concèderai que les apparences de cet homme, notre président de la République, sont souvent trompeuses et que ce genre de constat se drape toujours d’un fond de vérité, mais pas qu’il y aurait lieu de s’en méfier. C’est pourtant l’idée qui a commencé de se répandre depuis l’affaire Benalla, et l’ambiance qui en découle, jusqu’à s’être métamorphosée en un embrasement qui pourrait faire sauter toute la fonction présidentielle.

Or nous savons, de source sûre, au moins depuis le début du conflit russo-ukrainien, par la mise au pilori d’un de ses deux belligérants, que ce dernier, nommé Vladimir Poutine, agit secrètement depuis des décennies pour déstabiliser les démocraties qui le dérangent. Principalement celles qui ne s’apparentent pas à sa vision néo-soviétique du Globe, sur un plan géo-stratégique, et de l’existence quotidienne à l’échelle humaine.

A cet égard le danger stagne au creux de nos réseaux sociaux respectifs. Il réside en notre capacité d’orienter ou non vers la tranquillité d’esprit, chaque tweet, statut, message, mail ou texto que nous rédigeons. De contribuer à l’édification d’une vie sereine ou d’alimenter le chaos. Le prisme des futures élections grossit évidemment la responsabilité que nous avons sur cet état personnel et sur celui du territoire national.

Il suffit de se promener, de baguenauder, fureter, jusque dans les recoins de ce microcosme virtuel, où toutes et tous sommes nantis du pouvoir de s’exprimer librement, pour réaliser que l’issue de cette campagne électorale pourrait nous conduire à un cataclysme sociétal. D’année en année, le pouvoir de faire basculer les démocraties vers le totalitarisme s’est amplifié, par le biais de cet outil où sourde la manipulation de masse. Une flopée de résistant(e)s et de lanceurs d’alerte y rivalisent avec des nuées d’internautes ravis de figurer dans la bataille, en continuant des récits entiers qu’ils ne prennent préalablement pas soin de vérifier. La vérité, même autre qu’absolue, simplement factuelle, ne fait plus l’unanimité. Des légions de réformateurs non avertis fomentent un univers de décomposition du réel, qu’ils rendent alternatif et dont ils espèrent voir devenir celui dans lequel tout un chacun devrait évoluer.

J’ouvre une parenthèse pour préciser que je les comprends tout à fait, car suis croyant d’une religion personnelle, élaborée en résilience d’un douloureux vécu, et dans laquelle l’être est capable de se réinventer en totalité. C’est à mon sens normal qu’on ait abouti à cette liberté de se distinguer. Mais dans ce mécanisme naturel, les plus machiavéliques personnages de ce monde se sont immiscé et s’emparent de nos investigations en terre inconnue, pour les conduire où bon leur semble. Beaucoup sont alors pris au piège de leur conception gouvernementale et c’est un nombre qui grandit de manière exponentielle, du fait que leurs prédateurs drainent ses proies par le canal de groupuscules déjà constitués.

Je n’accorde donc plus beaucoup de circonstances atténuantes à ces égarés du net, dès lors qu’il s’agit de les faire raisonner sur des sujets de haute importance. Leur ultracrépidarianisme, en cette occurrence de représentativité nationale, est peu tolérable. Les quinze jours qui nous séparent encore de ce moment où nous glisserons notre voix dans l’urne, devrait nous aider à leur faire prendre conscience combien leur propos sont inopportuns, voire susceptibles de nous perdre.

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