L’aide arrive et la Russie bredouille , déclaration de E.Macron et autres news.

29.02.24 – L’aide arrive et la Russie bredouille
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Ce jeudi pourrait-être historique, à Washington, comme à Moscou. Mais pendant ce temps, l’Europe avance. En collaboration avec la Tchéquie, la Belgique a financé 50 000 obus de 155, pour 200 millions d’euros, qui arriveront fin mars. Plusieurs autres états européens, dont pour la 1ère fois la France se sont engagés dans le plan tchèque, qui amènera 800 000 obus en Ukraine entre mars et juin. De quoi mener quelques contre-attaques, comme celles qui font rage en ce moment sur la rive gauche du Dniepr et sur quelques villages du Donbass. Curieusement, les médias en parlent moins que des avancées russes.
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Dans la série l’Europe avance, la Finlande, nouveau membre de l’OTAN a clairement indiqué que l’Ukraine pouvait bien faire ce qu’elle voulait des armes à longue portée qui lui étaient livrées par la Finlande. Y compris frapper la Russie dans sa profondeur. La Grande-Bretagne a renchéri : l’Ukraine est la seule maîtresse de ce qu’elle décide d’envoyer en Russie et de où elle veut l’envoyer. Et c’est très bien comme ça, affirme Londres, démentant Berlin qui refuse les Taurus parce que l’Allemagne n’aurait pas les moyens d’en contrôler l’usage.
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Le siège du parti de Poutine a mystérieusement explosé dans la partie occupée de l’oblast de Kherson. Une nouvelle réunion de soldats, en l’occurrence des fusilliers de marine, un régiment d’élite a été la cible de deux Himars mardi. Tout l’état-major du régiment a été éliminé. La vague des incendies d’infrastructures se poursuit en Russie. A Irkoutsk, c’est un centre commercial entier, le plus vaste de cette capitale sibérienne de 2 millions d’habitants, qui a disparu dans les flammes.
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A Moscou, on attend aujourd’hui le discours de Poutine, qui est apparemment désinformé par Choïgou et Gerassimov. On lui vanterait des succès bien plus consistants que ce que vivent ses soldats sur place, pour masquer la réalité du terrain, où les contre-attaques ukrainiennes localisées sont très efficaces. Que va-t-il répondre à la demande d’aide économique de la Transnistrie, c’est l’enjeu du jour au Kremlin. Rappelons que la Moldavie, candidate à l’UE, dont la Transnistrie n’est qu’une région, réclame à sa province sécessionniste les taxes locales que chaque région du pays doit normalement payer…
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Aux Etats-Unis, Trump devra bien payer plus de 350 millions de dollars d’amende pour diverses indélicatesses. Sa demande de payer 100 millions en hors d’œuvre a été rejetée : c’est 350 millions tout de suite, ce qui lui pose quelques (gros) problèmes de trésorerie. Embêtant quand on est en campagne. Cela n’empêche pas Johnson, son sbire à la tête de la Chambre des représentants de vouloir continuer à bloquer les débats, non seulement sur l’aide à l’Ukraine, mais aussi sur le budget de fonctionnement de l’administration fédérale. Or les deux prochaines échéances vitales sont le 1er mars et le 8 mars. Si la chambre ne vote pas, l’Etat américain devra mettre son personnel en chômage technique.
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Une gigantesque panade à l’heure où l’on est à deux doigts d’une guerre mondiale et selon certains observateurs, ce jusqu’au boutisme qui ne profite qu’à Moscou devrait coûter tout espoir de victoire finale à Trump. Car si ses partisans sont largement majoritaires au sein des Républicains, ils ne sont pas majoritaires dans le pays et plus ils exagéreront dans leur conduite à l’évidence prorusse de la chose publique, plus ils décideront de Républicains modérés à voter démocrates…

Alors que le G20 se réunit au Brésil, au niveau des ministres de l’économie, l’OMC tente de conclure un nouveau round à Abu Dabhi… Et comme depuis bientôt un quart de siècle, ça coince. Sauf que cette fois, l’Inde a une revendication bien précise et légitime : que les USA mettent fin à leur blocage de la fameuse “chambre verte”, l’organe de règlement des différents.
Une sorte de tribunal, qui tient compte des principaux types de droits existant sur la planète (droit anglo-saxon, code Napoléon, droit islamique et tradition hindouiste notamment) pour trancher les différents qui peuvent naître entre Etats sur les interprétations des règles adoptées par l’OMC.
En clair, c’est le premier tribunal mondial qui prévoit des sanctions pour faire respecter les lois internationales en matière de commerce et les Etats-Unis, par exemple, peuvent s’y faire condamner sur la plainte d’un petit pays. Ce qui est déjà arrivé et qui passe très mal à Washington. Du coup, depuis OBAMA, les Etats Unis bloquent la nomination de nouveaux juges, ce qui a empêché l’organe de règlement de se réunir jusqu’à présent.
Ayant fait un film sur l’OMC Le Secret des Dieux, et un autre pour l’OMC (un court didactique sur l’histoire du commerce mondial), c’est un sujet que je suis de près.
Je pense la revendication de l’Inde – et de nombreux autres pays – tout à fait légitime. Certes, à l’heure où bruissent les bottes nucléaires partout sur la planète, je comprends que les Etats-Unis souhaitent rester maîtres des horloges, mais si l’on prétend défendre la démocratie, on ne peut pas être d’accord avec ça.
Le multilatéralisme doit être la règle et nul Etat ne peut prétendre être au-dessus des lois. L’aventure Trump le rappelle spectaculairement.
Par ailleurs, puisqu’on parle de guerre, si l’on veut renverser le très mensonger discours russe qui fait mouche dans le tiers monde – et l’on en a besoin – il faut parler vrai et agir sans hypocrisie.
Rappelons nous que pour gagner la 2ème guerre mondiale, l’occident – et l’Europe en particulier – a lâché du lest sur un point essentiel de sa prospérité en acceptant la fin du colonialisme. S’attacher l’Inde et nombre de pays émergents en bétonnant les bases d’une gouvernance mondiale plus équitable me paraitrait très opportun en ce moment.

La position de principe de Bruno Lemaire au G20 va dans le même sens et c’est un grand pas en avant vers une meilleure gouvernance mondiale.

C’est aussi un point de rupture, un clash potentiel entre Poutine, que l’on sait détenteur occulte d’un des plus gros patrimoines de la planète, ses oligarques et des pays émergents comme le Brésil qui réclament à juste titre davantage de justice sociale.
https://www.leparisien.fr/economie/la-france-veut-une-taxation-des-milliardaires-a-lechelle-internationale-affirme-bruno-le-maire-28-02-2024-AGL6QWQ7ABEABGARGBXQ4Q7AY4.php

29.02.24 bis – La 3ème guerre mondiale se gagnera sur le terrain économique et social.
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Si la Russie parvient relativement facilement à contourner les sanctions et trouver des appuis ou du moins une prudente neutralité dans beaucoup trop de pays, ce n’est pas pour les beaux yeux de Poutine. Hormis chez quelques demeurés qui gobent la propagande moscovite sans réfléchir, le problème est plutôt celui de l’hypocrisie occidentale, qui a trop souvent prêché de grands principes tout en s’asseyant dessus quand ses intérêts étaient en jeu.
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Si l’on veut renverser la vapeur – et ce serait bien et ce serait utile – il faut certes dénoncer le caractère mensonger et mafieux de la propagande russe, qui se dit l’amie des peuples alors que les oligarques russes sont à peu près ce qui se fait de pire dans le monde en matière de voracité, de rapines, d’avarice et de distribution inéquitable des revenus au sein de leur propre peuple. Alors ailleurs, notamment en Afrique, on n’en parle même pas. Mais il faut surtout que nous changions d’attitude, pour être plus équitables, dans la forme et dans le fond. Les sommets mondiaux économiques de cette semaine nous en offrent l’occasion. Chapeau à Emmanuel Macron de l’avoir compris et d’avoir saisi le coche.
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Tandis que le G20 se réunit au Brésil, au niveau des ministres de l’économie, l’OMC tente de conclure un nouveau round à Abu Dabhi… Et comme depuis bientôt un quart de siècle, ça coince. Sauf que cette fois, l’Inde a une revendication bien précise et légitime : que les USA mettent fin à leur blocage de la fameuse “chambre verte”, l’organe de règlement des différents.
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Une sorte de tribunal, qui tient compte des principaux types de droits existant sur la planète (droit anglo-saxon, code Napoléon, droit islamique et tradition hindouiste notamment) pour trancher les différents qui peuvent naître entre Etats sur les interprétations des règles adoptées par l’OMC.
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En clair, c’est le premier tribunal mondial qui prévoit des sanctions pour faire respecter les lois internationales en matière de commerce et les Etats-Unis, par exemple, peuvent s’y faire condamner sur la plainte d’un petit pays. Ce qui est déjà arrivé et qui passe très mal à Washington. Du coup, depuis OBAMA, les Etats Unis bloquent la nomination de nouveaux juges, ce qui a empêché l’organe de règlement de se réunir jusqu’à présent.
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Ayant fait un film sur l’OMC Le Secret des Dieux, et un autre pour l’OMC (un court didactique sur l’histoire du commerce mondial), c’est un sujet que je suis de près.
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Je crois la revendication de l’Inde – et de nombreux autres pays – tout à fait légitime. Certes, à l’heure où bruissent les bottes nucléaires partout sur la planète, je comprends que les Etats-Unis souhaitent rester maîtres des horloges, mais si l’on prétend défendre la démocratie, on ne peut pas être d’accord avec ça.
Le multilatéralisme doit être la règle et nul Etat ne peut prétendre être au-dessus des lois. L’aventure Trump le rappelle spectaculairement.
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Par ailleurs, puisqu’on parle de guerre, si l’on veut renverser le très mensonger discours russe qui fait mouche dans le tiers monde – et l’on en a besoin – il faut parler vrai et agir sans hypocrisie.
Rappelons nous que pour gagner la 2ème guerre mondiale, l’occident – et l’Europe en particulier – a lâché du lest sur un point essentiel de sa prospérité en acceptant la fin du colonialisme.
S’attacher l’Inde et nombre de pays émergents en bétonnant les bases d’une gouvernance mondiale plus équitable me paraitrait très opportun en ce moment.
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La position de principe de Bruno Lemaire au G20 va dans le même sens : mettre en place une coordination mondiale en vue de taxer les hyper-riches en éliminant les possibilités d’évasion fiscale. Au-delà de l’aspect moral et équitable, c’est un grand pas en avant vers une meilleure gouvernance mondiale et c’est un grand coup de pied au derrière des despotes milliardaires façon Poutine, qui font courir un danger mortel aux démocraties.
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C’est un vrai point de rupture, de clash potentiel entre Poutine (que l’on sait détenteur occulte d’un des plus gros patrimoines de la planète – on parle de 200 milliards $) et ses oligarques avec des pays émergents comme le Brésil qui réclament eux à juste titre davantage de justice sociale.

28.02.24 – Du bon usage de la dissuasion
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L’éclat de Macron fait des vagues, à Moscou comme dans les autres capitales. Il faut rappeler que ce n’est pas Macron qui l’a voulu. Il n’a fait que confirmer la fuite délibérée sur des réflexions secrètes en cours commise par le premier slovaque, Robert Fico, que l’on sait très hostile au soutien armé de l’Ukraine. Limite pro-russe, reprenant en tout cas le verbatim du Kremlin sur le thème « si on arrête de soutenir l’Ukraine, on arrête la guerre… » Par la victoire de la Russie.

Les propos de Macron étaient mesurés. Il n’y a pas de consensus sur l’envoi de troupes, mais personne ne peut dire qu’il n’y en aura jamais, de même qu’au début les occidentaux rechignaient à envoyer des chars, des missiles à longue portée ou des chasseurs. De plus, il est important de ne pas laisser au Kremlin le monopole de l’intimidation et du planning. Personne ne sait ce que Moscou fera demain et c’est évidemment un gros avantage pour la Russie dans la guerre.
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Précautionneux, l’OTAN annonce toujours précisément dans quel cadre et quelles limites il agit. Cela réduit certes les risques d’escalade, mais Moscou ne dit rien de ses intentions réelles, ou plus exactement les masque et ment régulièrement. Poutine joue les matamores et place tout le monde devant le fait accompli. Partant du principe que ses menaces suffiront à écarter le danger, il joue le chaud et le froid : il menace d’une main du feu nucléaire tout en assurant de l’autre que la Russie n’a jamais agressé personne.
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C’est complètement schizophrène, mais c’est une composante essentielle de sa stratégie de communication. Déroulée par ses sbires, à l’instar de Makogonov, le chargé de com de l’Ambassade de Russie en France, pour qui c’est de notre faute si les Ukrainiens meurent, puisque nous les armons au lieu de les pousser à capituler, ce qui mettrait fin à la guerre. Le raisonnement tourne carré : il n’est pas question que la Russie renonce à ses objectifs mais elle est ouverte à la négociation… du moment que celle-ci admet les objectifs russes.
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En clair, vous nous donnez l’Ukraine ou on la prend. Sous-entendu, nous sommes les plus forts, il n’y a pas à discuter, c’est nous qui faisons la loi. Eh bien non. Si nous n’opposons pas un « NON » ferme et définitif à ce chantage, nous aurons perdu sur toute la ligne. Après, cela ne signifie pas attaquer la Russie chez elle et chercher à s’emparer du Kremlin. Il s’agit juste de la renvoyer dans ses cordes en utilisant le langage de la force. Parce que c’est le seul que Poutine et les siens comprennent.
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Si l’on reste sur la défensive, en se préoccupant en permanence de ne pas aller trop loin, par peur de blesser l’ogre, on a perdu d’avance. Tandis qu’en remettant en cause son monopole de la menace, en introduisant de l’incertitude dans ses plans, on l’incite à réfléchir. Pour qu’il ne sache pas, vraiment pas, jusqu’où l’on pourrait être prêt à aller. La dissuasion nucléaire ne marche que si l’adversaire pense qu’on serait prêt à l’utiliser. S’il est le seul à nous faire peur, ça ne marche pas.

Philippe Souaille (journaliste et politologue Suisse)