Les mensonges
d’Eric Zemmour,
18 février 2022

Extrait d’un très long article de « L’Obs », réunissant 22 réponses à donner à 22 mensonges d’Eric Zemmour (suite).

Le polémiste est désormais « la » figure de l’atmosphère trumpienne de la présidentielle. Cela fait longtemps déjà qu’il a adopté le concept des « faits alternatifs » inventé par l’entourage de l’ancien président américain. (…)

  • « Les chiffres américains révèlent que les Noirs sont d’abord tués par les Noirs, à 97 %. Les Blancs ont deux fois plus de chance d’être tués que les Noirs. 80 % des Blancs sont tués par des Noirs. » « Face à l’info », CNews, 1er juin 2020.

Ce sont en fait de fausses statistiques qui ont été attribuées au FBI et ont circulé lors de la campagne présidentielle américaine de 2016. Elles avaient même été relayées par Donald Trump et font depuis les délices de la fachosphère sur les réseaux sociaux. Selon les chiffres de 2014 du site internet du FBI, 82 % des Blancs tués l’ont été par des Blancs, et 15 % par des Noirs. Le chiffre cité par Eric Zemmour qui se rapproche des statistiques réelles du FBI est celui de 90 % de Noirs tués par des Noirs. Selon une étude réalisée par l’Académie des Sciences Américaines entre 2013 et 2018, les hommes noirs ont 2,5 fois plus de risques d’êtres tués par la police au cours de leur vie que les hommes blancs, en proportion de la population.

  • « Vous avez osé dire que Pétain avait sauvé les juifs… – … français ! C’est encore une fois le réel, je suis désolé. » « Face à l’info », CNews, dialogue avec l’essayiste Bernard-Henri Lévy, 21 octobre 2019.

Sur les 330 000 juifs présents en France en 1940, 75 000 ont été déportés avec la complicité de l’Etat français. Parmi eux, 24 000 Français, soit le tiers de l’ensemble des déportés, qui n’ont donc pas été « sauvés » par le maréchal Pétain. Laurent Joly, historien spécialiste de Vichy, indique dans son dernier ouvrage « l’Etat contre les juifs. Vichy, les nazis et la persécution antisémite » (Grasset, 2018) qu’au cours de la dernière année, Vichy ayant transféré aux autorités allemandes ses listes de noms et d’adresses, près de la moitié des déportés étaient alors nés en France…

Traîné devant la justice pour « contestation de crime contre l’humanité », Eric Zemmour est relaxé par la 17e chambre du tribunal de Paris en février dernier au motif que ses propos ont été prononcés « à brûle-pourpoint lors d’un débat sur la guerre en Syrie », même s’ils contiennent « la négation de la participation [de Pétain] à la politique d’extermination des juifs menée par le régime nazi ». Les parties civiles, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), l’association J’accuse, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), SOS Racisme et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) ont fait appel.

Eric Zemmour est né dans une famille juive venue d’Algérie qui a subi, comme tous les israélites de la colonie nord-africaine, un dispositif législatif antijuif mis en place de son propre chef par le régime de Pétain, sans que l’Allemagne ne l’ait même demandé. Perte de la nationalité française (acquise avec le décret Crémieux de 1870) dès octobre 1940, application des lois métropolitaines sur le statut des juifs, interdiction d’un grand nombre de professions, expulsion des élèves des établissements scolaires, internement d’une quinzaine de milliers de soldats juifs démobilisés dans des camps du sud algérien… Le débarquement allié de novembre 1942 en Afrique du Nord a permis de stopper l’avancée des troupes allemandes qui arriveront jusqu’en Tunisie, où des juifs seront déportés. Les juifs d’Algérie ont retrouvé la nationalité française l’année suivante.

nationalité française l’année suivante.

  • « Le 18e arrondissement de Paris, c’est devenu Dakar, y’a plus un Blanc. » Propos tenus lors d’un débat à Marseille avec Stéphane Ravier, sénateur du Rassemblement national (RN), et diffusés par « Quotidien » (TMC), 18 avril 2019.

Il n’existe pas de statistiques ethniques en France. Il est donc impossible d’établir la proportion de Français non « blancs » dans le 18e arrondissement de Paris, uniquement celle des étrangers et des immigrés. Cet arrondissement du nord de la capitale dispose, d’après l’Insee, de davantage d’habitants issus des classes aisées que la moyenne française : 27,9 % de cadres et professions intellectuelles supérieures, 57,3 % de diplômés de l’enseignement supérieur, 64 % de ménages fiscaux imposables… Le recensement de la population de 2018 indique que 17 % de la population est de nationalité étrangère, un chiffre supérieur à la moyenne nationale, comme pour toute l’Ile-de-France, qui s’explique, notamment, par l’attractivité économique de la région. Une partie d’entre eux sont des « Blancs ». En 2013, selon l’Insee, près de quatre immigrés sur dix à Paris étaient des ressortissants de l’Union européenne, deux fois plus que les arrivants d’Asie ou d’Afrique du Nord. Entre 2008 et 2013, la part des nationalités de l’Union européenne à Paris était en progression (de 29 % à 37 % de l’ensemble des nationalités étrangères), tandis que celle de l’ensemble des nationalités africaines était en baisse (de 34 % à 25 %).

Nathalie Funès et Paul Lonceint
Source : L’Obs, 18 septembre 2021
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