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Propos recueillis par Stéphanie Le Bars et Isabelle Mandraud (qui est l’auteure de l’excellent ouvrage Poutine , la stratégie du désordre) .
Depuis 4 ans, à titre personnel et bien que n’étant pas journaliste, j’ai traduit de nombreux rapports d’enquêtes d’investigation, de rapports officiels de gouvernements étrangers sur l’ingérence Russe pour faire tomber les démocraties. La menace est sérieuse et réelle, et je trouve que notre pays a pris trop peu au sérieux cette menace et le réveil risque d’être douloureux en Avril, car les conséquences de cette manipulation de masse orchestrée sont visibles depuis novembre 2018 avec l’avènement du mouvement insurrectionnel des Gilets Jaunes( violemment anti Macron) , et recyclés en anti tout, mais anti Gvt et anti EU.
Je rappelle un de mes articles assez récent mais dans la rubrique Poutine (vous en trouverez des tas d’autres).
Murielle STENTZEL.
La 5ème colonne russe est implantée partout (y compris en France)
Je vous laisse lire l’article d’Isabelle Mandraud et Stéphanie Le Bars, le voici.
Vera Jourova, vice-présidente tchèque de la Commission européenne, dirige les travaux menés par l’institution concernant la lutte contre les ingérences extérieures, la protection de la liberté des médias et la défense de l’Etat de droit.
Quels sont les moyens dont dispose l’Union européenne pour contrer les attaques hybrides (cyberattaques, campagnes de désinformation…) menées par la Russie dans la crise actuelle avec l’Ukraine ?
Le Kremlin utilise ces attaques permanentes depuis longtemps. La première chose que nous devons donc faire est de cesser d’être naïfs et de les sous-estimer. Les campagnes de désinformation sont pensées pour cibler les points faibles dans chaque société. Parfois, il s’agit de réinterpréter l’histoire, ailleurs, de convaincre les gens que la vie sous le régime soviétique était plus juste, plus sûre. Ce récit inonde les réseaux sociaux de beaucoup de pays, dont le mien, la République tchèque.
Dans le contexte de l’escalade des tensions avec l’Ukraine, les messages insistent sur le fait que l’Ukraine et l’OTAN) sont les agresseurs, que Kiev mène un génocide des populations russophones dans la région du Donbass… On a repéré 2 700 exemples de ce type en 2021. Cela montre un plan coordonné. Il est difficile de connaître l’impact de cette désinformation sur les opinions publiques, mais, en Slovaquie par exemple, un récent sondage montre que 44 % des habitants pensent qu’effectivement, l’OTAN est à l’origine de la crise entre la Russie et l’Ukraine. Confrontés à un tel lavage de cerveaux, imaginez les difficultés des gouvernements démocratiques pour convaincre leurs citoyens s’ils devaient agir dans cette crise…
En Europe, nous voulons quasiment à tout prix préserver la liberté d’expression. Interdire des contenus ou des médias est une solution de dernier recours. Il faut donc que la propagation de fausses informations devienne plus coûteuse et moins aisée. C’est pourquoi la Commission travaille actuellement à la rédaction d’un code de bonnes pratiques, incitant les entreprises qui achètent de la publicité sur les réseaux à adopter des règles visant à réduire la diffusion de ces messages. Nous voulons aussi que les plates-formes embauchent davantage de personnes, journalistes ou fact-checkers, pour une meilleure distinction entre les faits, les opinons et les fausses informations. On aimerait que ce code soit signé et entre en vigueur d’ici au mois de mars.
Pourquoi les pays de l’ouest de l’Europe apparaissent-ils plus disposés au dialogue avec le Kremlin que les pays de l’Est ?
A l’est, nous avons vu des tanks russes dans nos rues. C’est un facteur décisif. Quand vous n’avez pas vécu cette expérience, que vous n’avez pas cette mémoire, vous avez tendance à croire que lorsque vous traitez avec la Russie, vous parlez à un pays empreint d’une culture fantastique et d’une histoire forgée par des gens courageux. Cela est vrai. Mais nous avons aussi affaire à l’autoritarisme et à l’appétit impérialiste du président Vladimir Poutine – et il ne s’agit pas seulement d’envahir des territoires, mais aussi l’esprit des gens.
Par le passé, j’ai prévenu des responsables politiques européens qu’il ne fallait pas sous-estimer les plans de M. Poutine de reconquérir les territoires perdus dans les années 1990 et qu’il était un partenaire imprévisible. Et quand j’ai entendu [le président américain] Joe Biden faire une distinction entre une « petite incursion » et une « invasion » à propos de l’Ukraine, je me suis dit qu’il fallait nouer avec les Américains une communication davantage basée sur la confiance et le réalisme !
L’année 2022 est une année d’élections en Europe (France, Hongrie, Slovénie). Craignez-vous des interférences étrangères ?
Oui, et, en France, il y en aura davantage qu’en 2017. Ceux qui manipulent l’information – des acteurs extérieurs, comme la Russie, relayés par des supplétifs locaux – ont perfectionné leurs méthodes, leur compréhension de l’état d’esprit des Français. De nombreuses fausses informations circulent sur les conséquences de la politique écologique en Europe : les produits alimentaires et le pétrole seront plus chers, il n’y aura plus de pétrole du tout… Le problème, c’est que ces fausses informations sont toujours fondées sur une part de vérité.
Les discussions avec la Pologne et la Hongrie sur le respect de l’Etat de droit sont-elles dans une impasse ?
Le dialogue se poursuit, et nous verrons ce qu’il se passe après les élections d’avril en Hongrie. Mais nous nous inquiétons pour la liberté des médias dans ce pays, où une grande partie de la presse est une presse d’Etat qui promeut la propagande du parti au pouvoir. On doit y protéger la tenue d’élections justes ; le Parlement européen enverra des observateurs.
La concentration des médias en France vous inquiète-t-elle ?
La concentration des médias en elle-même n’est pas forcément une mauvaise chose ; cela le devient quand vous l’utilisez pour promouvoir vos intérêts économiques et politiques ou une idéologie. Quand je lis l’histoire de Vincent Bolloré et la construction de son empire [Canal+, Prisma Media, Europe 1, CNews…], j’ai quelques doutes sur ses intentions.
Nous préparons une directive sur la liberté de la presse pour le mois de juillet, qui vise à établir des standards sur l’indépendance des médias, la bonne gouvernance des médias publics et leur pluralité, sans coloration politique. Il faut aussi mettre en œuvre une protection des journalistes afin d’éviter qu’ils ne soient réduits au silence par des poursuites judiciaires. Jusqu’ici, nous avons des règles qui protègent les médias comme n’importe quel acteur économique, comme un vendeur de voitures ou de chaussures. Elles ne leur apportent pas de protection particulière, en dépit de leur importance dans les démocraties européennes.