Précisions tout de suite comment j’ai découvert cette citation, et où on peut en trouver d’autres. Le site Babelio propose, pour une vaste collection d’auteurs, de retrouver des citations par sujet ou par ouvrage. La page d’entrée concernant Eric Zemmour se trouve sur ce lien. Il y en avait 236 lorsque je l’ai découverte, et disons franchement que cela m’évite d’enrichir ce polémiste haineux
J’ai trouvé celle-ci particulièrement savoureuse, et c’est pour moi un grand plaisir de la démolir méticuleusement. Qu’en dire en effet ?
- On retrouve sans surprise son insupportable xénophobie, car il dénonce que Paris soit « devenu » (j’y reviendrai) une capitale multiculturelle, par les produits qu’on y consomme et, par exemple par la cuisine des restaurants. Comme s’il fallait être condamné au cassoulet et aux tripes mode de Caen, et comme si on serait malheureux de pouvoir manger autre chose.
- On découvre aussi une foutaise – parmi tellement d’autres – car il sous-entend que notre Capitale n’a jamais échangé de biens, culturels ou autres, avec d’autres peuples ou cultures. Nul ! Concernant l’Italie, par exemple, je renvoie à l’excellent livre du journaliste et écrivain Alberto Toscano « Ti amo Francia, de Léonard de Vinci à Pierre Cardin, ces Italiens qui ont fait la France » (Armand Colin, 2019), lui-même se définissant comme « le plus français des italiens » et vivant dans notre pays depuis plus de trente ans. J’ai eu l’honneur de l’interviewer, et on peut l’entendre sur cet enregistrement. Mais en remontant à bien avant la guerre, Zemmour a-t-il entendu parler de « l’Ecole de Paris » qui avait réuni tant d’artistes peintres venus d’autres pays, dont un très grand nombre de juifs ? D’Amedeo Modigliani ou de Chaim Soutine, de Marc Chagall ou de Pablo Picasso ? Est-il dans le fond aussi inculte que raciste ?
- Mais son propos fait hurler de rire quand il évoque la nourriture : comme si le café se cultivait autrefois dans les coteaux de Bourgogne ; et les épices comme le safran, le cumin ou le paprika, étaient produites en Vendée depuis des temps reculés. Mais allons un peu plus loin : certes, il y a bien davantage de restaurants japonais ou italiens qu’il y a quelques décennies, mais cela ne s’applique-t-il qu’à Paris ? N’est-ce pas la même chose dans la plupart des villes de France, et ailleurs en Europe ? Et, comme à Paris, le cosmopolitisme n’est-il pas une des caractéristiques des grandes métropoles ? Z comme Zorro devrait aller à New-York avec son grand lasso, et fermer les boutiques de China Town ou de Little Italy – ah pardon, j’oubliais, il déteste les Etats-Unis, il n’ira donc jamais.
- Enfin, permettons-nous un éclat de rire final, il écrit que « l’importation des cultures et des valeurs du monde entier » a été imposé par « le cosmopolitisme des bobos » : comme si, des bons Français vivant en pavillons dans nos provinces ne s’étaient pas convertis, eux aussi et sans y être contraints, à d’autres modes culinaires, qui vont et viennent d’ailleurs comme toutes les modes. Dans un livre tout récent, « La France sous nos yeux » (Seuil, 2021), Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely, évoquent les profondes mutations qui ont marqué toute la France depuis les années 80. Extrait de la présentation : « Qu’ils fassent étape dans un parc d’attraction, nous plongent dans les origines de la danse country, dressent l’inventaire des influences culinaires revisitées, invoquent de grandes figures intellectuelles ou des célébrités de la culture populaire, les auteurs ne dévient jamais de leur projet : faire en sorte qu’une fois l’ouvrage refermé, le lecteur porte un regard nouveau sur cette France recomposée. »
Le « brillant intellectuel », « le candidat nouveau qui s’adresse au pays profond » a donc tout faux. Son complotisme de bazar pour expliquer pourquoi il y a tant de restaurants de sushis à Paris fait « flop ». Et sa haine des « bobos », ennemis virtuels du blanc chevalier Zemmour, une foutaise de plus. Mais, bon, tout ceci me donne envie de manger japonais : et si on en commandait ce soir ?