On ne s’image que difficilement l’ampleur des moyens que l’équipe de campagne d’Éric Zemmour a mis en place pour conduire son candidat jusqu’au second tour de cette élection. On en constate quotidiennement les effets et quant bien même on voudrait s’en détourner, c’est devenu impossible de l’ignorer. Mais que sait-on des rouages qui façonnent cet écosystème politique ?
Le plan initial de Zemmour était de profiter de cette manne médiatique pour entretenir des idées qu’il affectionne, bien qu’elles fragmentent notre société depuis la fin de la seconde guerre mondiale, en endommageant cette digue protectrice entre le gaullisme et l’extrémisme ; entre la droite parlementaire classique et la droite radicale — selon l’expression d’Étienne Girard dans “Le radicalisé“.
Il faut pour l’instant nous rendre à cette évidence qu’il est en phase d’y parvenir, tel qu’il entendait déjà le faire, à moindre échelle, au temps où il n’était que polémiste et auteur d’ouvrages. Zemmour l’énonce de plus en plus souvent, tous les moyens sont bons pour approfondir ce résultat. C’est pourquoi la nébuleuse de son parti et les gardiens de sa présence audiovisuelle, n’ont pas pour intention de transmettre une réalité tangible de leur activité. Ils souhaitent avant tout alimenter un vaste réseau constitué de personnages sans scrupules ou réduits au rôle de fanatiques, ne cherchant plus à vérifier les données qui transitent via leur propre chapelle, avant de les partager. La victoire semble être à ce prix.
C’est un des attributs du populisme de générer une telle toxicité et de provoquer cette sorte de rassemblement à la lisière du dogmatisme. Par sa puissance destructrice de démocratie, cette idéologie extrémiste, dynamisée par les méthodes modernes de communication et excluant sans vergogne une partie de nos concitoyens, empoisonne maintenant toute la campagne présidentielle. Elle se répand dans le discours de la plupart des participant(e)s à son scrutin, lesquels se trouvant distancés, abusent des mêmes débordements de sorte que la réalité ne fait plus l’unanimité.
Un article du Monde, où vous trouverez la vidéo incluse ci-dessous, décortique ce mécanisme de diffusion de la propagande zemmourienne et donne une idée plutôt précise du calcul machinal, en l’occurrence informatique, mis en application jour après jour, étape après étape, pierre par pierre, pour construire l’édifice d’un cheminement jusqu’à l’Élysée.
Samuel Lafont, garant de cette ambition sur le plan numérique et donc responsable des réseaux sociaux qui facilitent, au sens large, la campagne d’Éric Zemmour, dont les méthodes sont critiquées à la fin de cette vidéo, nie pourtant catégoriquement qu’elles soient douteuses et outrepassent certaines règles émises par les outils informatiques qu’il utilise. Car il s’agit d’une campagne malfaisante, plus puissante que nos actions individuelles et même collectives. Un processus froid, indigne et désincarné, presque déshumanisé ; somme toute à l’image d’Éric Zemmour lui-même.
Toutefois, dans leur prétention démesurée, les concepteurs de ce bourrage de crâne 2.0 omettent que la France est loin d’être un pays excessivement connecté. Nous ne le sommes en tous cas pas autant que les Américains, s’étant faits berner par ce même type de manipulateurs qui ont conduit Trump à la Maison Blanche, au mépris de tous les sondages. J’ai ce souvenir que le ciel nous tombait sur la tête lorsqu’une nuit de novembre 2016, à l’annonce des résultats, ce dernier devenait président des États-Unis.
Nous ne l’avions pas vu venir et même si Zemmour a essuyé récemment un de ses pires camouflets en se voyant refusé le soutien officiel de l’ancien président américain, il nous appartient aujourd’hui de ne pas faire la même erreur en minimisant sa véritable ascension.