La nationalité à base raciale : oui, Marine Le Pen est toujours d’extrême-droite

Elle parle moins haut que le polémiste Zemmour (aujourd’hui en difficulté dans les sondages), mais son projet est à peine moins radical : Marine Le Pen vient de détailler cette semaine devant la presse son programme pour la présidentielle, et le moins qu’on puisse dire est que, contrairement à ce qu’elle voudrait faire croire, elle n’a pas changé.

La plupart des journalistes relèvent à juste titre le flou dans le financement des mesures que propose la candidate du Rassemblement National (ex-Front National). Mais il y a plus grave.

Citons ici l’article du Monde :

“Pour financer son programme, elle table sur des rentrées de 68,3 milliards d’euros chaque année, avec deux gros postes d’économies controversés : l’immigration et la fraude sociale. Elle promet de trouver 16 milliards d’euros en réduisant de 75 % l’immigration familiale, les flux de l’asile et l’aide médicale d’Etat, ainsi qu’en réduisant les aides sociales versées aux étrangers vivant en France. « On veut couper les pompes aspirantes », résume Renaud Labaye, son directeur de cabinet. Mais dans son estimation, déjà présentée le 2 décembre 2021, la candidate se réfère aux 7 millions d’« immigrés », alors que 2,5 millions d’entre eux sont français, et multiplie les hypothèses très contestables.”

(C’est moi qui ai mis en gras.)

Une erreur de cet ordre, ce n’est pas une erreur. C’est la preuve que, comme son père Jean-Marie Le Pen jadis, comme Zemmour aujourd’hui, Marine Le Pen ne considère pas comme français les descendants d’immigrés. C’est le fameux “droit du sang”, comme on dit à l’extrême-droite pour ne pas dire “tri ethnique”. Le paradoxe étant que ce parti qui répète que “la nationalité française, ça se mérite” pour supprimer les élements de droit du sol dans notre pays est aussi celui qui veut la réserver par droit de naissance. Où est le mérite quand “on ne se donne que la peine de naître”, pour citer Beaumarchais ? En quoi est-on moins français pour avoir grandi en France que pour avoir eu des parents déjà français ? On voit bien qu’il s’agit d’exclure certains profils, pas de choisir les “méritants”.

Pour faire court, la prétendue “préférence nationale” est et a toujours été une préférence raciale.

Il est rageant de devoir insister là-dessus encore et encore : oui, le RN, c’est le racisme et la division de la nation. On n’en serait peut-être pas là si la candidature du polémiste de CNews n’avait pas contribué à faire paraître l’héritière Le Pen presque modérée par contraste. Elle a beau se plaindre des “trahisons” de quelques membres de son entourage (y compris sa nièce, Marion Maréchal), Marine doit en fait secrètement jubiler de la présence du boutefeu Zemmour.

Mais elle devrait se méfier. En ce moment, elle fait tout pour tendre la main aux 10% environ de gens qui sont toujours tentés de voter pour le candidat de la “remigration” et du “grand remplacement”. Comment le faire sans se re-radicaliser elle-même aux yeux du plus grand nombre ? Le grand écart risque d’être inconfortable. Et on peut parier que la candidate fera tout pour laisser les choses dans le flou aussi longtemps que possible.

Mais elle aurait tort de compter pour quantité négligeable les 2,5 millions de Français qui, comme moi, ont des parents immigrés, et qu’elle veut traiter comme des étrangers. Si les électeurs de Le Pen ne se sentent pas concernés par son allégeance à Poutine (à tort, mais cela paraît certes bien loin), qu’ils réfléchissent à ce que cela voudrait dire si on remettait en cause la nationalité française acquise. Si eux, ou leurs voisins ou collègues pouvaient être privés de leurs droits simplement parce qu’ils n’ont pas la bonne couleur de peau, ou un nom “à coucher dehors”… [1]Oui, je n’aime pas trop mettre la chose en avant, mais je parle en temps que “concernée”. Irène Delse est un nom de plume, choisi précisément parce que mon vrai nom était un … Continue reading

Le vocabulaire lénifiant de Le Pen, avec son prétendu “apaisement”, cache mal un projet brutal, de haine et de division.

Irène Delse

Notes

Notes
1 Oui, je n’aime pas trop mettre la chose en avant, mais je parle en temps que “concernée”. Irène Delse est un nom de plume, choisi précisément parce que mon vrai nom était un peu difficile pour un public francophone. Et ma famille est largement métissée.
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